vendredi 21 juillet 2017

Du plexus solaire

Extrait de la lettre de Raymond Chandler, du 18 mars 1949, adressée à Alex Barris.

« Qu'est-ce que je fais de mon temps ? J'écris quand je le peux. Et quand je ne peux pas, je n'écris pas. Toujours le matin ou en début de journée. La nuit, on a des idées mirifiques mais ça ne dure pas. (...) 
Je lis tout le temps de petites choses par des écrivains qui prétendent ne pas avoir besoin d’attendre l’inspiration. Ils leur suffit de s'asseoir à leur petite table chaque matin à huit heures, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau, avec la gueule de bois, un bras cassé et tout et tout, et ils tapent leur petite page d'écriture. Et ils peuvent avoir la tête vide, et l'esprit terne, ils ne veulent pas entendre parler d'inspiration. Qu'ils croient à mon admiration bien sincère mais j'éviterais leurs livres. Moi j’attends l’inspiration, que je n’appelle pas obligatoirement de ce nom. J’affirme que tout ce qu’on écrit de vivant vient du plexus solaire. C’est du boulot parce que ça vous laisse fatigué, voire épuisé. Mais en tant qu’effort conscient, ce n’est rien du tout. Ce qui compte, c'est d'avoir un moment, disons au moins quatre heures par jour, où l'écrivain professionnel ne fait rien d'autre que de se disposer à écrire. Il n'est pas obligé de rédiger quelque chose si ça ne lui dit rien. Il ne doit même pas essayer. Il peut regarder par la fenêtre, se tenir debout sur la tête ou se rouler parterre sur le plancher mais il ne doit rien faire de concret comme écrire des lettres, jeter un coup d'œil à des magazines ou faire des chèques. Écrire ou rien du tout. »

Raymond Chandler (1888-1959).
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire